Le paradoxe d'Anderson by Pascal Manoukian

Le paradoxe d'Anderson by Pascal Manoukian

Auteur:Pascal Manoukian
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions du Seuil
Publié: 2018-08-16T00:00:00+00:00


Le jour de son examen, une pluie fine vernit les toits torturés du gros bourg de Trois-Sots. Elle aimerait être la main de Vermeer pour en reporter chaque craquelure de brique et d’ardoise. La victime est une « famille Groseille » dénoncée par le tatoué. Aline a une heure pour faire ses preuves. Nitch l’attend dans le hangar avec son contrat.

Scotché à la porte, un Père Noël gonflable, en plastique rouge et blanc, l’empêche d’accéder à la sonnette.

Elle s’essuie les pieds sur le « Bienvenue » du paillasson, comme un aveu, ferme un instant les yeux, essaye d’oublier les regards de Mathis et Léa, respire profondément et frappe.

– Oui ! C’est pour quoi ?

La vieille est comme toutes celles d’ici, en bottes et tablier bleu. Elle s’habille au camion qui ravitaille les campagnes ou par correspondance à La Redoute.

Aline sourit et scanne la pièce des yeux. Derrière elle, sur une table au milieu du salon, deux gamines dessinent en s’ennuyant. Au mur, un Christ en bois, une branche de buis séché à la main, fait face à une fausse tapisserie de Bayeux, de celles que l’on trouve toutes prêtes à être brodées, sous sachet plastique, dans les maisons de la presse.

Une odeur de soupe aux poireaux parfume la pièce. Elle arme et vise.

– Hum ! Ça sent bon. Vous y mettez des pommes de terre ?

La mamie se détend aussitôt.

– Oui, de la vitelotte.

– Comme ma grand-mère, renchérit Aline.

En pleine tête.

La vieille la fait entrer en s’excusant du désordre et l’installe à la table de la cuisine.

– Ce sont vos petites-filles ?

Elle soupire. Aline réarme :

– Leur mère n’est pas là ?

– Non, elle s’occupe de ses juments. Ça l’intéresse plus que ses filles.

Aline place sa deuxième balle :

– Ne vous en faites pas, elles ont leur grand-mère. La mienne m’a tout appris. C’est grâce à elle si je sais cuisiner.

Elle la laisse se perdre un instant dans la mémoire de sa propre aïeule, puis maintient son avantage :

– Je peux vous demander votre prénom ?

– Je m’appelle Rose.

Avec le geste lent d’un tireur de biathlon, pour ne pas l’effrayer, Aline sort un dossier de sa sacoche et continue à l’apprivoiser de la voix.

– C’est joli et ça vous va bien. Moi, c’est Aline.

La douceur a fait son œuvre.

– Je m’inquiète pour elles, vous savez, se confie Rose. Je ne serai pas toujours là.

– L’important, c’est ce que vous leur aurez appris avant de partir, et aussi ce que vous leur laisserez.

C’est comme si Nitch parlait pour elle. Aucun état d’âme. Juste l’envie d’écrire son nom en bas du contrat. Mais pour ça il lui faut une autre signature.

– Tenez.

Aline lui tend un dépliant.

– C’est quoi ?

– De quoi toujours rester auprès d’elles.

Rose feuillette le mode d’emploi.

– Ils sont magnifiques.

– C’est ce qui se fait de mieux, ils sont programmables et la température varie pendant la cuisson, elle s’adapte à la recette. C’est ce qu’utilisent les cuisiniers de la Maison-Blanche.

Elle lui montre sa chevalière de l’université du Minnesota.

– J’ai étudié là-bas.



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